Thème du colloque

Ce colloque interdisciplinaire se propose d’analyser l’efficacité de la forme brève, en associant divers champs (littérature, théâtre, cinéma, musique, études culturelles). Sans entrer dans les questions de définition (valeur relative du petit et du long, inclusion dans un ensemble plus vaste, distinction entre le « court » qui désigne la dimension et le « bref » qui implique davantage un style, un mode de composition…), on s’intéressera à l’intention signifiante de telle forme brève ainsi qu’à ses effets recherchés et produits, en lien avec la problématique « Paradigmes de l’autorité » qui constitue le programme actuel de l’équipe ICD : quelle force propre la brièveté renferme-t-elle, par quoi fait-elle autorité, quel genre d’adhésion suscite-t-elle ? Ses pouvoirs présentent un large spectre, de la séduction exercée par l’« obscure clarté » d’un aphorisme ou la piquante ingéniosité d’une épigramme, jusqu’aux intimidations de la « parole autoritaire ». Si la brièveté représente parfois le moyen d’avoir le dernier mot ou d’imposer le silence, de dominer l’autre et d’inhiber toute réflexion par une formule lapidaire, par la clôture du sens, elle donne souvent beaucoup à entendre et à penser, elle stimule l’interprétation.  On prendra en compte l’historicité des modalités et des significations — brevitas antique, idéal classique de plénitude et d’universalité, goût romantique pour le fragment, esthétique contemporaine de la rupture et de l’éclatement.

            1. Un premier axe de recherche concerne le projet et la stratégie du locuteur ou du créateur : la brièveté, pour quoi faire ? La forme brève peut fournir un outil incisif de contestation des autorités (pouvoir politique, stéréotypes et préjugés, canons esthétiques, assignations de genre). Elle peut orienter l’opinion avec tranchant (pamphlets, messages brefs des nouvelles technologies), inciter à une conduite (cas de la maxime, du slogan ou du code de la route). Pour l’auteur lui-même, l’exercice de condensation peut aussi représenter une démonstration de virtuosité ou une ascèse, qui mue la contrainte du format en liberté de création (dans le cas du jazz, par exemple, le support enregistré, du 78 tours au numérique, a justement servi de telles explorations).

            2. Une autre approche consiste à étudier les échos et rémanences des formes brèves : quelle réception, quels usages ? L’expression discontinue, en petits morceaux, en pièces détachées ou détachables, ouvre la possibilité d’un libre parcours et s’offre comme esquisse suggestive, puzzle à composer. Fermeture apparente, ouverture indéfinie ; court format, longue résonance ; économie des moyens, profondeur de l’effet. Par exemple, si la sentence ou la maxime peut apparaître comme discours d’autorité, formulation définitive, phrase close sur elle-même, elle invite aussi bien au prolongement dans une méditation personnelle (elle est alors « semence de discours », comme dit Sénèque) et, lorsqu’elle est associée à d’autres dans un recueil (La Rochefoucauld, Vauvenargues, etc.), elle entre dans divers réseaux de sens, dans des séries variables. On pense aussi aux contes, aux nouvelles — cet « exercice cruel de contraction de vie », selon Philippe Chardin — (Poe, Svevo, Borges ou Cortázar), à toute succession de micro-pièces dramatiques ou musicales. Il s’agit donc d’analyser les modes spécifiques de lecture ou d’écoute que peuvent générer des formes brèves. On pourra également examiner leur remploi dans la pratique citationnelle et la réécriture parodique.

            3. Une troisième direction d’analyse sera, dans l’esprit de transversalité qui anime nos recherches, de travailler sur les croisements et transpositions entre formes brèves, sur la manière dont elles peuvent s’appeler et se conjuguer. Les livres d’emblèmes, par exemple, associent adages et images. En musique, on observe que la brièveté a souvent partie liée avec un modèle poétique, pictural, cinématographique (mise en musique de courts-métrages, vidéoclips) ou théâtral (opéras-miniatures de Darius Milhaud). Ce troisième axe, résolument interdisciplinaire, manifestera par rapport à d’autres travaux scientifiques sur les formes brèves toute l’originalité de ce colloque ICD.

            Le colloque rassemblera des chercheurs confirmés et internationalement reconnus, mais offrira aussi l’opportunité d’exposer leurs travaux à des doctorants ou de jeunes docteurs, qui incarnent l’avenir des disciplines représentées par ICD (voir liste ci-après p. 5 et suivantes).

Personnes connectées : 1